Noirs et ronds,
Deux fruits doux,
Trop mûrs,
Ses yeux,
Mûrs pour la larme,
Fixes et secs.
On ne pleure pas,
Avec ces yeux là,
On sait.
Et noirs et ronds,
Et doux et secs,
Images de miroir,
Ses yeux scrutent mes yeux.
Trop mûrs, les fruits doux et ronds,
Pour l’arbre enfant aux feuilles rousses.
Trop chaud, le regard de six ans,
Trop intense, la passion qui les ronge,
Celle qui coule et creuse son visage
Mieux que le nombre des années.
Pas un sourcillement,
Pas une brise dans les cils,
Pas une goutte d’eau,
Au pays de la passion qui brûle.
Il attend.
Il guette son nouveau visage.
Les feuilles rousses et longues,
Ses longs cheveux de fille,
Beaux comme l’automne,
Et doux comme l’enfance,
S’en viennent gémir à ses pieds,
Tranchés par les ciseaux
Qui coupent, claquent et croquent,
Une parcelle d’enfant tendre,
Aveugles, les ciseaux,
Aveugle la main et aveugle le cœur
De ce coiffeur voleur d’enfance.
C’est le temps des hommes,
Petit inconnu,
Le temps du « comme les autres ».
Et noirs et ronds,
Fruits de passion,
Trop doux, trop tendres,
Les yeux me sourient
Et disent :
Ils auront beau couper, trancher, croquer,
Tant de parcelles d’enfant tendre,
Ils auront beau nous modifier, nous modeler,
Nous faire leur ressembler,
Ils ne pourront jamais ciseler nos cœurs,
Ils ne pourront modeler nos âmes,
Ils ne nous auront pas,
Nous,
Les pas comme les autres.
© Charlie B. Borgo
Illustration : © Charlie B. Borgo